LE SERMENT de KOUFRA    

 



Koufra, chapelet d'oasis du Sahara au sud-est de la Libye, est devenu le symbole de l'engagement de la 2e division blindée. C'est là, en effet, que fut prononcé le serment de libérer Strasbourg.

Koufra fut une position-clef de la seconde guerre mondiale. En 1941, la ville et surtout son fortin El-Tag est occupée par une garnison italienne. C'est en effet l'Italie qui est puissance coloniale depuis 1912, date à laquelle elle a arraché cette terre à la Turquie. Koufra est l'une des portes du Fezzan, cette vaste région du sud-ouest de la Libye, et sa piste d'atterrissage est une escale précieuse pour rallier Soudan, Tchad et Egypte. L'oasis, bien qu'à quatre cents kilomètres de toutes autres terres habitées, est donc bien gardée par les Italiens : une garnison de 500 hommes, dont une compagnie motorisée, la Compania Sahariana di Cufra.

Fin décembre 1941, Leclerc est à Fort-Lamy, à 1 800 kilomètres plus au sud, dans ce Tchad qui fut la première colonie française à se rallier au camp de la France libre et dont il commande les troupes. Les Britanniques proposent aux Français des opérations dans le Sud libyen. Ce sera d'abord de la reconnaissance dans le Fezzan, puis Leclerc, sur la base d'un rapport de septembre 1939, qui, déjà, imaginait une action de commando sur Koufra, décide un grand coup : attaquer l'oasis libyenne.
Ses moyens sont maigres : 400 hommes, dont 250 Africains, une soixantaine de véhicules (camions et camionnettes), une section d'artillerie de montagne avec une pièce de 75 mm transportée en sept morceaux... à dos de chameau. Heureusement, il a l'appui aérien de quelques bombardiers Blenheim. Qu'importe, l'effet de surprise devrait faire la différence face aux Italiens qui n'attendent pas une colonne motorisée venue du désert à travers les reliefs tourmentés du Tibesti.
Les 2 et 3 février, l'aviation bombarde Koufra. Le 7 février, Leclerc, parti de Faya-Largeau, est sur place, avec quelques éléments de reconnaissance. Il s'informe, négocie la neutralité des habitants de la palmeraie, puis rejoint la colonne le 10. Le 18 ont lieu les premiers combats. La compagnie motorisée italienne est dispersée le 19.
Leclerc assiège alors le fort de Koufra, faisant tout pour dissimuler la faiblesse de ses forces. Il fait déplacer souvent son canon de 75, multiplie les « coups de main », harcèle la garnison avec ses patrouilles motorisées. Les Italiens, que leur aviation a lâchés, s'inquiètent, tentent de parlementer. Leclerc exige leur reddition, l'obtient le 28 en réussissant même à rentrer dans le fort avec les négociateurs.
Les Français font ainsi, sans beaucoup de casse, près de 300 prisonniers (18 Italiens, 273 Libyens), récupèrent quatre canons de 20 mm, un stock de mitrailleuses, plusieurs véhicules, des armes, des vivres et des munitions. Le 1er mars, ils investissent le fort de El-Tag, marquant que Koufra est désormais aux mains des Alliés. Et c'est là que Leclerc a l'idée d'un geste symbolique.
Le lendemain, au cours d'une cérémonie militaire, il fait lever les couleurs. Et devant ses troupes de bric et de broc, mal équipées mais victorieuses, il proclame les quelques phrases qui deviendront plus tard le serment de Koufra. Quarante-quatre mois plus tard, la maigre colonne Leclerc de l'oasis libyenne, devenue entre temps une 2e DB de près de 20 000 hommes, pourra tenir sa promesse et hisser le drapeau français sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg.


"Vous venez de remporter une victoire qui peut vous enorgueillir.
Vous avez bien fait, il y a quelques mois,
de rallier le général de Gaulle pour résister à l'ennemi et l'attaquer.
Mais Koufra n'est qu'une étape de la libération de la France.
Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs,
nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ! ".

 

SENEL Ali