TITE-LIVE III, 26, 4 – 27, 8 (traduction G. Baillet)
Cinq cavaliers sortant entre les avant-postes ennemis portèrent à Rome la nouvelle que le consul et son armée étaient cernés. On pensait, on s'attendait à tout, sauf à un tel malheur. Aussi l'effroi, le trouble furent aussi grands que si Rome même , et non le camp, était assiégée par l'ennemi. On rappelle le consul Nautius. Mais, comme on ne lui trouvait pas assez de capacité, on décide de nommer un dictateur pour rétablir la situation compromise, et Lucius Quinctius est désigné, du consentement universel.
…
L'unique espoir de l'empire romain, Lucius Quinctius, sur la rive droite du Tibre, juste en face de l'endroit où se trouvent aujourd'hui les chantiers navals, cultivait quatre arpents de terre, qu'on nomme « pré de Quinctius ». Là, soit qu'il creusât vigoureusement un fossé à la bêche, soit qu'il fût à sa charrue, toujours est-il qu'il était en train de travailler la terre, quand une délégation, après un échange de saluts, le prie de mettre sa toge, afin de recevoir, pour son bien, il fallait l'espérer, et celui de l'Etat, une communication du sénat. Il s'étonne, demande : « Rien de trop grave ? », et dit à sa femme Racilia d'aller bien vite chercher sa toge dans sa chaumière, essuie la poussière et la sueur, s'habille et s'avance ; aussitôt, la délégation le proclame dictateur, le félicite, le prie de venir à Rome et le met au courant de la panique qui règne dans l'armée. Par ordre du sénat, une barque attendait Quinctius ; sur la rive gauche, ses trois fils viennent à sa rencontre pour le recevoir, puis d'autres parents et amis, enfin une grande partie des sénateurs. Tout ce monde qui l'entourait et les licteurs qui le précédaient l'escortèrent jusque chez lui. La plèbe aussi se rassembla en foule : mais elle était loin de montrer autant de joie à la vue de Quinctius, car elle trouvait l'autorité dictatoriale excessive et le personnage plus rigoureux encore que sa fonction. Cette nuit-là il y eut simplement un service de garde en ville.
Le lendemain, le dictateur, arrivant au forum avant le jour, désigne comme maître de la cavalerie Lucius Tarquitius, patricien d'origine, qui avait fait son service dans l'infanterie, à cause de sa pauvreté, mais qui passait pour être de beaucoup le meilleur homme de guerre de l'armée. Avec son maître de la cavalerie, il vient à l'assemblée, prononce la clôture des tribunaux, fait fermer les boutiques dans toute la ville et interdit toute affaire privée ; tous les hommes mobilisables devaient se rassembler en armes avec cinq jours de vivres tout cuits et douze pieux, avant le coucher du soleil, au Champ de Mars.
…
Tous eurent à cœur de se trouver au rendez-vous du dictateur. Alors, formant l'armée en ordre de combat plutôt que de route, pour faire face à tout événement, le dictateur prend en personne la tête des légions, le maître de la cavalerie celle de ses cavaliers. Tous deux adressaient à leurs hommes les exhortations qu'exigeaient les circonstances.
…
A minuit, ils arrivent sur l'Algide et, se sachant à proximité de l'ennemi, ils font halte.
|