TITE-LIVE II,12,6-16
(traduction G. Baillet)
En arrivant, il se mêle à la foule qui se pressait devant le tribunal du roi. Justement on payait la solde, et un secrétaire, assis avec le roi et vêtu à peu près comme lui, était fort occupé et très entouré par les soldats. N'osant demander lequel était Porsenna, de peur d'être trahi par son ignorance, il s'en remet au hasard et tue le secrétaire, au lieu du roi. Il s'enfuyait, se frayant un chemin à travers la foule en désarroi avec son poignard sanglant, quand la garde royale, attirée par les cris, l'arrête, le ramène et le fait comparaître devant le tribunal du roi. Là, même dans des circonstances si critiques, il restait effrayant au lieu d'être effrayé. « Je suis Romain », dit-il. « Je m'appelle Caius Mucius. Je voulais te tuer, ennemi contre ennemi, et j'aurai pour mourir autant de cœur que pour tuer : pour agir comme pour souffrir, le courage est vertu romaine. Et je ne suis pas seul à avoir pour toi ces sentiments : une foule d'autres viennent derrière moi, qui briguent le même honneur. Ainsi donc, si ce risque te plaît, prépare-toi à défendre ta tête à toute heure et à trouver le poignard d'un ennemi jusque dans le vestibule de ton palais. Voici comment le jeunesse romaine te déclare la guerre : pas de batailles, pas de combats à redouter ; c'est entre toi seul et chacun de nous que tout se passera. » Comme le roi, à la fois animé par la colère et effrayé par le danger, le menaçait de faire allumer des feux tout autour de lui s'il ne dévoilait pas immédiatement le complot dont il lui faisait entrevoir la menace : « Voici », dit Mucius, « qui t'apprendra le cas qu'on fait du corps quand on vise à la gloire », et il pose sa main droite sur un réchaud allumé pour un sacrifice et la laisse brûler, comme s'il était complètement insensible. Alors, le roi, bouleversé par cette espèce de prodige, s'élança de son siège et fit entraîner le jeune homme loin de l'autel. « Va-t-en », lui dit-il : « tu t'es attaqué à toi-même plus qu'à moi. J'applaudirais à ton courage, s'il était au service de mon pays. Mais, du moins, je t'épargne les lois de la guerre, les violences et les mauvais traitements, et je te laisse partir. » Alors, comme pour payer de retour sa générosité, Mucius lui dit : « Puisque tu tiens le courage en estime, ton bon procédé obtiendra de moi ce que j'ai refusé à tes menaces : nous sommes trois cents, l'élite de la jeunesse romaine, qui avons juré de t'atteindre par cette voie. Mon nom est sorti le premier ; les autres, quel qu'ait été le sort des premiers, et jusqu'à ce qu'une occasion te mette à leur merci, se présenteront chacun à son heure. »
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